La métrologie ou comment faire rimer mesure et performance ?

La métrologie ou comment faire rimer mesure et performance ?

La métrologie existe depuis l’aube des civilisations. L’Homme a toujours cherché à attribuer des grandeurs à toutes sortes de choses, par exemple des poids pour le commerce ou des distances pour cartographier l’environnement.

Au sein des organisations, la métrologie a longtemps été perçue comme un centre de coût plutôt que de profit, alors qu’elle constitue un levier majeur de performance et s’invite dans la stratégie de nombreux secteurs d’activité, de l’aérospatial au nucléaire, en passant par la santé, la chimie ou encore la biologie…

Mais concrètement, qu’est-ce que la métrologie ?

La métrologie, ou science des mesures, permet de qualifier et quantifier de manière universelle un résultat de mesure, avec une unité et une incertitude associée. Le fait qu’une mesure soit liée au système international des unités présente un intérêt fondamental : celui de s’entendre sur la valeur associée, partout dans le monde, et ainsi faciliter les échanges tels qu’une transaction commerciale. 

À l’ère du big data et de l’innovation technologique, les organisations prennent conscience qu’une bonne maîtrise de la métrologie permet d’accroître la compétitivité, tout en améliorant la qualité de leurs produits et en réduisant les coûts. Pour développer leur performance, elles se concentrent ainsi sur la qualité des mesures, l’estimation des incertitudes, l’étalonnage des appareils et instruments, la maîtrise des intervalles d’étalonnage ou encore la production de mesures traçables (audit trail).

Pour vous aider à mieux comprendre les enjeux de la métrologie ainsi que les bonnes pratiques pour réussir sa mise en place, nos équipes ont rencontré Patrick MATHIEU, un des experts français dans le domaine (voir sa biographie à la fin de l’article) afin de partager avec vous sa vision et ses conseils.

Quels sont les enjeux et défis autour la métrologie ?

L’enjeu principal de la métrologie consiste à maintenir et renforcer le rapport de confiance avec les clients. Lorsqu’un doute émerge sur la fiabilité d’un résultat, il est ensuite très difficile de regagner la confiance. Cependant, tout contrôler, tout le temps, n’est pas non plus la solution. Comme tout autre processus, il convient de définir une stratégie de métrologie en lien avec sa gestion des risques et des opportunités.

Dans de nombreuses organisations, on constate que la métrologie est réduite à une accumulation de documents provenant d’opérations périodiques. Ces derniers sont ensuite classés, sans réelle exploitation ni justification technique, si ce n’est d’avoir un équipement propre et en état de fonctionnement après maintenance.

Pour renforcer leur métrologie, certaines organisations font appel à leurs fournisseurs de matériel qui proposent des prestations annuelles de maintenance, qu’elles soient préventives ou correctives, incluant un volet métrologie. Je vous conseille de porter une attention particulière à la méthodologie appliquée, pour s’assurer qu’elle soit bien en phase avec votre besoin réel, d’autant plus que cette sous-traitance représente un certain coût.

Si les exigences normatives, légales ou autres le permettent, la métrologie peut être adaptée et allégée. Cette optimisation, lorsqu’elle est bien réfléchie et opérée, est synonyme de performance.

Avez-vous des exemples concrets d’application ? 

Dans mon laboratoire, j’utilise une cale métallique avec des dimensions fournies par un certificat d’étalonnage pour effectuer des mesures. La masse de cette cale est suivie, en utilisant une balance qui est elle aussi étalonnée. 

  1. Lorsque cette cale est utilisée comme référence dimensionnelle, si la température du local n’est pas mesurée et contrôlée pendant l’opération, une source d’erreur importante n’est pas évaluée du fait de la dilatation du matériau. 
  1. Lorsque je pèse cette cale métallique sur ma balance, l’instrument de pesage apporte sa propre source d’incertitude à laquelle on pourrait aussi ajouter l’effet lié à la variation des conditions ambiantes, à celui lié à la position de la cale sur le plateau (excentration), ou encore au temps d’attente de l’opérateur qui fait le relevé de la masse. 

Les dimensions et masse de cette cale sont revérifiées périodiquement pour évaluer une éventuelle dérive dans le temps ou s’assurer de leur stabilité. Il en va de même pour la sonde de température du laboratoire et la balance. 

Quels conseils donneriez-vous à ceux qui souhaiteraient améliorer leurs techniques de mesure ? 

Une organisation qui souhaite améliorer ses techniques de mesure doit identifier en amont quels sont les gains attendus : évaluer ou améliorer les performances, optimiser les ressources, obtenir une certification ou une accréditation à une norme…  

En fonction des objectifs visés, mais aussi des ressources requises pour cette démarche d’amélioration, l’organisation doit identifier les freins et les risques avant d’établir une feuille de route spécifique.

Par ailleurs, selon le niveau de maturité, mais aussi la taille et le contexte, il est judicieux de faire appel à un regard extérieur, pour accompagner toute la démarche ou simplement donner un avis sur les travaux internes. La conduite du changement est également un facteur à ne pas négliger.

Que répondriez-vous à tous ceux qui ne placent pas encore la métrologie au cœur de leurs préoccupations ?

Je dirais que si la métrologie n’est pas au cœur des préoccupations, alors que l’entreprise fournit pourtant des produits ou des résultats d’essais, c’est que : 

  • soit le système en place est robuste et qu’il peut être démontré que l’impact des mesures est maîtrisé ou négligeable, 
  • soit qu’elle est ignorée ou négligée sans justification documentée, et dans ce cas il est fortement recommandé de commencer à y penser car cela peut être critique !

Lorsqu’elle n’est pas sous-traitée, la métrologie peut être mise en place à chaque étape du processus, de l’expérimental à la fourniture de produits. Elle peut consister à comparer des résultats à des données de référence, ou à effectuer des échantillonnages avec des « contrôles qualité » sur une ligne de production, ou bien encore à procéder par redondance entre plusieurs systèmes de mesure qui donnent des valeurs cohérentes.

En conclusion, mettre en place une stratégie de métrologie ne veut pas forcément dire tout remettre en question. Il convient de partir de l’existant, en l’améliorant et en le complétant avec des processus adaptés aux objectifs de performance de l’organisation. 

Patrick MATHIEU


Cadre consultant en métrologie chez IFPEN

Linkedin

Patrick MATHIEU est cadre métrologue (de formation chimiste) et a rejoint le Service Central de Métrologie de l’IFPEN en 1999, où il est devenu expert du domaine en support des activités expérimentales.

Il est en charge de l’assistance et du conseil des équipes projet pour l’identification et la maîtrise des facteurs d’influence d’un procédé expérimental. À ce titre, il intervient sur toutes les étapes de la vie d’un process, de la relecture du cahier des charges fonctionnel, en passant par la réception technique des outils, jusqu’à la stratégie de suivi métrologique. 

Patrick est également formateur et auditeur interne du processus support « métrologie » selon les normes NF ISO 9001 et 10012. Depuis 2021, il est membre du groupe de travail français de l’AFNOR pour la révision de la norme ISO 10012. 

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