Transformation agile des laboratoires : La gestion d’équipe, grande oubliée des laboratoires ?

Transformation agile des laboratoires : La gestion d’équipe, grande oubliée des laboratoires ?

Né du développement de logiciels dans les années 1990, l’Agile s’étend aujourd’hui à tous les domaines d’activité, du secteur tertiaire à l’industrie lourde. En ce qui concerne le monde de la R&D, cette (r)évolution managériale tarde à être adoptée. Et pourtant, si vous avez déjà été amené(e) à rédiger un projet de recherche, il y a de fortes chances que vous ayez planifié et organisé votre travail en construisant une liste de tâches séquentielles, matérialisées dans un diagramme de Gantt. Sauriez-vous estimer en combien de temps ce diagramme est devenu obsolète ? Dans la plupart des cas, pas plus de quelques semaines (quand ce n’est pas quelques jours). Dans la recherche scientifique, le déroulé d’un projet évolue fréquemment, s’éloignant parfois fortement de la proposition initiale. Suivre une série de tâches séquentielles reste donc théorique et s’avère en pratique peu appliqué à la recherche, car pas assez souple.

Le management Agile privilégie quant à lui la flexibilité. Au cours des 30 années qui se sont écoulées depuis sa mise en place, la conduite de projet a été radicalement transformée, apportant un nouveau cadre managérial ainsi que des principes et outils nommés “artefacts”, adaptés à un monde en perpétuel changement. En effet, comme le montre une étude du Standish Group de 2015, les projets dits « Agiles » ont 3 fois plus de chances de réussir comparés aux méthodes traditionnelles [1].

Bien qu’ils soient au cœur de l’innovation et des avancées scientifiques et technologiques, les laboratoires de recherche tardent à adopter les principes Agiles. Certains acteurs figurent néanmoins en tant que pionniers dans le domaine, comme le Broad Institute (MIT & Harvard), connu pour ses travaux en génomique [2]. Cet article a pour objectif de présenter les avantages de l’Agile appliquée au monde de la R&D, que ce soit pour améliorer le taux de réussite des projets, mettre en place une démarche d’amélioration continue ou encore motiver et fidéliser de manière pérenne les équipes de chercheurs.

Améliorer le taux de réussite des projets

Il est d’usage de considérer qu’un projet réussi respecte les trois contraintes suivantes : Coûts, Délais et Périmètre. En se basant sur ce triptyque, les projets Agile ont 3 fois plus de chance de réussir que ceux dits en cascade (projets classiques) [1].

Cette différence s’explique par une meilleure collaboration en quantité et en qualité, d’une part au sein de l’équipe projet, mais aussi avec les utilisateurs finaux. Ces échanges réguliers permettent de s’assurer du bon déroulement du projet et d’intégrer les feedbacks des utilisateurs au fil de l’eau.

De plus, l’Agile repose sur le développement par itérations. Chaque itération correspond à une courte période (2 à 4 semaines) au cours de laquelle les équipes projet se concentrent sur un objectif précis. A l’issue de chacune de ces phases de développement, aussi appelées Sprints, un livrable (ou Produit Minimum Viable) est présenté et testé, permettant ainsi de réduire les boucles de rétroaction ainsi que les risques d’erreur.

Autre élément déterminant : à la définition de chaque itération, les équipes Agile échangent avec les utilisateurs finaux afin de prioriser les actions, en se concentrant sur ce qui a de la valeur pour eux. Placer le client au cœur de la démarche permet à la fois de gagner en temps et en efficacité.

Mettre en place une démarche d’amélioration continue

Les organisations les plus performantes ont en commun une capacité à innover en permanence et à améliorer leurs niveaux de performance. Pour y parvenir, elles s’inscrivent dans une démarche d’amélioration continue de leurs processus [3].

L’approche Agile s’accorde très bien avec la méthode Lean Six Sigma afin d’améliorer en continu aussi bien les pratiques de l’équipe que les processus pour s’adapter, par exemple à de nouvelles contraintes règlementaires.

Concrètement, l’amélioration du fonctionnement de l’équipe peut passer par ce qui est appelée une « rétrospective ». Ces sessions planifiées permettent aux contributeurs d’échanger sur les succès ou difficultés rencontrées à chaque phase du projet et de se concentrer sur les éléments pouvant être améliorés lors des étapes à venir.

Ces moments de partage, traitant de manière collaborative des difficultés rencontrées et des solutions pour les résoudre, permettent également de lever les tensions en privilégiant l’entraide, tout en améliorant significativement l’implication et la motivation des membres de l’équipe.

Attirer et retenir les talents

Si vous souhaitez attirer et retenir les talents au sein de votre organisation, le management Agile est un levier particulièrement puissant [4]. Dans le cadre d’un projet Agile, les collaborateurs ont plus de liberté et d’autonomie sur la manière d’organiser leur travail. Ce concept d’empowerment favorise la prise d’initiatives de la part des collaborateurs qui, grâce à une connaissance terrain et une vision claire et commune du projet, sont en mesure de prendre des décisions efficaces de manières très réactives. Cette approche organisationnelle, qui permet d’exploiter tout le potentiel des collaborateurs, améliore non seulement leur implication, mais aussi leur performance, créant ainsi de la valeur pour toute l’organisation.

Les impacts de l’Agile sur le moral des équipes et leur satisfaction ont fait l’objet d’une analyse approfondie en 2020 [5]. Dans cette étude, 40 % des spécialistes interrogés ont observé des améliorations significatives du moral et de la satisfaction des équipes, suite à l’adoption de l’Agile. Ces deux facteurs, déterminants pour fidéliser les talents, semblent d’autant plus pertinents dans un contexte de « guerre des talents » de plus en plus accrue.

Comment transformer un laboratoire vers plus d’Agilité ?

Le plus grand challenge n’est pas tant dans la cible à atteindre que dans la manière de transformer un laboratoire. Selon une étude réalisée en 2018 par State Of Agile Survey [6], très peu d’organisations ont réussi leur transformation Agile, et ce pour plusieurs raisons : un manque de compréhension des principes de l’Agile, un temps de transformation trop court et un manque de contextualisation des pratiques. Les organisations ayant réussi leur transformation Agile, grâce à une démarche structurée, réfléchie et adaptée à leur contexte, bénéficient quant à elles d’un véritable avantage concurrentiel ainsi que d’une capacité d’innovation plus forte.

Pour une transformation Agile réussie, il est préférable d’adopter la « stratégie du thé », avec un essaimage progressif de l’Agile, du mindset vers les pratiques, plutôt qu’un programme de transformation global, qui s’avère plus risqué.

Cet essaimage passe en premier lieu par un audit, pour comprendre précisément le contexte et les axes d’amélioration souhaité. Puis d’une formation contextualisée, accompagnée d’un coaching sur-mesure, en lien avec les problématiques spécifiques du laboratoire.

L’objectif visé n’étant pas de compliquer l’organisation actuelle (comme souvent observé lors des transformations, avec l’ajout d’une “surcouche” Agile) mais au contraire de simplifier l’existant. Ainsi, chaque collaborateur peut se concentrer sur des tâches à haute valeur ajoutée, avec des gains visibles à court terme au niveau de l’implication et la motivation des équipes. Et à moyen terme, le laboratoire Agile améliore de manière significative sa performance et sa capacité d’innovation.

Témoignage client

Leaders dans le domaine de la médecine esthétique, les laboratoires suisses TEOXANE sont clients RITME depuis plusieurs années.

A ce titre, Jimmy FAIVRE revient sur le coaching autour de la méthodologie Agile dont il a bénéficié dans le cadre d’une mission assurée par RITME, et plus particulièrement par l’auteur de cet article :

Les chercheurs sont habitués à travailler seuls, mais il y a dans la recherche un besoin fort de collaboration. En R&D, il faut à la fois prospecter large et être précis, aller vite tout en subissant des contraintes extérieures très fortes : budget, délais et autres surprises. Entretenir la motivation de l’équipe est une tâche ardue.  Pour créer cette dynamique, j’avais bénéficié de quelques formations en management, mais rien que du théorique. 

Le management Agile, découvert lors de cette formation, s’est avérée être une excellente solution, à la fois concrète et pratique. Le consultant disposait du même cursus scientifique de pointe que nos équipes et, dès les premiers échanges, nous avons ciblés des sujets spécifiques à nos préoccupations et définit des actions concrètes. Ces techniques ont permis de tirer profit des compétences propres à chacun, de créer de meilleures synergies et d’éviter l’isolement en favorisant la collaboration. Dorénavant, nous valorisons chaque personne pour entretenir la motivation de toute l’équipe. Avec ces techniques agiles, les livrables arrivent à l’heure et les manipulations sont bien faites !

Je ne connaissais pas du tout cette démarche, mais elle a complètement changé ma façon d’envisager les projets. Je souhaite refaire une seconde formation dans quelques mois pour en apprendre plus.  »

Jimmy FAIVREManager Recherche et Innovation chez TEOXANE

Clément FLAYAC

Clément FLAYAC

Zoom sur l’auteur

Coach et consultant spécialisé en management Agile, notamment pour RITME Academy, Clément est convaincu de l’apport de l’Agile pour permettre aux secteurs de la R&D et de l’innovation de faire face à des défis de plus en plus complexes.

Passionné de sciences depuis toujours, Clément est titulaire d’un doctorat en écologie microbienne de SupAgro, avec l’une de ses publications désignée « Hightligths of the year » par l’INRAE et un label d’excellence délivré par l’Agreenium. Il a complété sa formation par un MBA à l’Ionis-STM spécialisé en management Agile et un diplôme de Coach Expert Agile.

Par la formation, le coaching et le conseil, il assure l’appropriation des nouvelles méthodes d’innovation et de management. Son approche sur-mesure pour chaque parcours lui permet de contextualiser les pratiques et processus des équipes de recherche afin d’améliorer le taux de réussite des projets, le développement des talents et la créativité des équipes avec une réflexion « out of the box » .

Références :

  1. https://www.standishgroup.com/sample_research_files/CHAOSReport2015-Final.pdf
  2. https://www.agilealliance.org/resources/experience-reports/reinventing-research-agile-in-the-academic-laboratory/
  3. https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0263786315000071
  4. https://ieeexplore.ieee.org/abstract/document/8809132
  5. https://www.agilesherpas.com/3rd-annual-state-of-agile-marketing?_ga=2.101188417.1302660051.1643193110-1361502672.1643193110
  6. https://www.qagile.pl/wp-content/uploads/2020/06/14th-annual-state-of-agile-report.pdf