Comment formuler une question de recherche claire et pertinente ?

Comment formuler une question de recherche claire et pertinente ?

La question de recherche est l’élément fondateur de toute étude qualitative rigoureuse. Plus qu’une simple formulation académique, elle structure la démarche du chercheur, oriente la collecte des données et guide l’analyse. Pourtant, sa définition constitue souvent un défi, notamment dans le cadre d’un mémoire universitaire ou d’un projet de recherche où l’on part d’un sujet général encore flou. Comment passer d’un thème d’intérêt à une question claire, contextualisée et méthodologiquement exploitable ?

Dans les sciences humaines et sociales, la qualité de la question conditionne directement la qualité des résultats. Mal posée, elle risque d’induire un terrain mal adapté, une collecte inefficace ou une analyse superficielle. Bien construite, elle ouvre au contraire un espace de sens fécond, aligné avec les objectifs de recherche et les méthodes choisies.

Cet article propose une analyse détaillée de cette étape fondamentale de la recherche qualitative : formuler une question pertinente. Il aborde la manière de la construire, les critères essentiels à respecter et les erreurs les plus courantes à éviter.

chercheuse se posant des questions

Comprendre le rôle central de la question de recherche

La question de recherche n’est pas une formalité académique : elle est le pilier de toute démarche qualitative cohérente. Contrairement à une hypothèse dans une logique expérimentale, elle ne cherche pas à être validée ou infirmée, mais à ouvrir un champ d’exploration sur le sens, les représentations, les dynamiques sociales ou les trajectoires vécues.

Sujet, problématique, question : clarifier les niveaux

Avant de formuler une question, il faut souvent clarifier le niveau de formulation. Trois notions sont à distinguer :

  • Le sujet de mémoire est une thématique large, souvent formulée sous forme nominale : la précarité étudiante, le numérique à l’école, les résistances au changement en entreprise.
  • La problématique consiste à interroger ce sujet en le plaçant dans un cadre théorique ou empirique. Elle énonce un paradoxe, une contradiction, ou un angle de lecture original.
  • La question de recherche correspond à l’énoncé précis du phénomène ou de l’aspect que l’on souhaite examiner. Elle se présente comme une interrogation ouverte, contextualisée, orientée vers la compréhension d’un phénomène.

Exemple :

  • Sujet : Le télétravail après la pandémie
  • Problématique : Comment les pratiques de télétravail transforment-elles les rapports hiérarchiques dans les entreprises de services ?
  • Question de recherche : Comment les cadres intermédiaires perçoivent-ils leur rôle managérial dans un contexte de télétravail pérennisé ?
Les trois niveaux de formulations d'une question de recherche

Adapter la formulation de la question au cadre épistémologique

La question de recherche n’est pas seulement une construction logique : elle est aussi le reflet d’une posture théorique. Le cadre épistémologique retenu, parfois non explicité au début, détermine en grande partie la manière dont la question est posée, son ampleur, son degré d’abstraction et sa relation avec le terrain étudié.

Voici un tableau récapitulatif des principales approches qualitatives et de leurs effets sur la formulation :

ApprocheFinalitéType de questionExemple de formulation
PhénoménologieComprendre l’expérience vécue dans sa profondeurCentrée sur le vécu subjectif, les perceptionsComment des patients vivent-ils l’annonce d’un diagnostic grave ?
Grounded TheoryGénérer une théorie émergente à partir du terrainLarge, exploratoire, ouverte aux processusQuels processus mènent des travailleurs à se reconvertir après un burn-out ?
Interactionnisme symboliqueComprendre les dynamiques d’interprétation socialeOrientée vers les significations et les rôlesComment les soignants négocient-ils leur rôle avec les familles ?
EthnographieDécrire un groupe, une culture, une organisationContextualisée, descriptiveComment se manifeste la culture du feedback dans les start-ups technologiques ?
Analyse narrativeExplorer les récits et leur structure temporelleAxée sur les trajectoires et les récits de vieComment les migrants racontent-ils leur parcours d’intégration en France ?

Formuler une question en cohérence avec son cadre d’analyse permet de préserver l’unité méthodologique de la recherche. Cela conditionne ensuite les choix de terrain, les techniques de collecte, et les modalités d’analyse.

Un levier structurant pour la suite de la recherche

La question de recherche est ce qui permet de donner une direction méthodologique claire à l’étude. Elle détermine :

  • Le type de données à collecter (discours, observations, documents) ;
  • La méthode de collecte (entretiens semi-directifs, focus groups, immersion) ;
  • Le type d’analyse (codage thématique, analyse narrative, approche phénoménologique) ;
  • Et en fin, la manière de présenter et d’interpréter les résultats.

Elle sert également de fil rouge dans le mémoire : la revue de littérature la justifie, le terrain la met à l’épreuve, l’analyse y répond.

Critères d’une bonne question de recherche

Formuler une question de recherche efficace est un exercice délicat : dans un projet qualitatif, elle doit à la fois être précise et ouverte, tout en restant ancrée dans un contexte défini, réalisable et porteuse de potentiel analytique.

Une question claire, faisable, orientée sens

Les spécialistes de l’analyse qualitative s’accordent sur plusieurs critères essentiels pour évaluer la qualité d’une question de recherche :

  • Clarté : la question doit être compréhensible, sans ambiguïté. Elle évite le jargon, les termes flous, ou les formulations trop générales.
  • Ouverture : elle appelle une réponse interprétative, pas une simple vérification ou une mesure. Elle commence souvent par comment, pourquoi, dans quelle mesure, selon quelles logiques
  • Contextualisation : la question est située dans un cadre précis (groupe, territoire, période, type d’acteurs), ce qui la rend pertinente.
  • Faisabilité : la formulation doit correspondre aux moyens, au temps et à l’accès au terrain dont dispose le chercheur.
  • Pertinence analytique : elle oriente vers une analyse potentiellement riche en sens, en tensions, en représentations à explorer.

Pour soutenir cette réflexion, certains cadres méthodologiques peuvent servir de repères utiles. Le modèle PEO (Population, Exposition, Outcome) aide par exemple à structurer une question autour des acteurs concernés, du phénomène étudié et de son contexte. D’autres, comme SPICE (Setting, Perspective, Interest, Comparison, Evaluation) ou FINER (Feasible, Interesting, Novel, Ethical, Relevant), permettent de vérifier que la question est non seulement bien cadrée, mais aussi faisable, éthique et utile.

Une bonne question ne cherche pas une réponse unique, mais ouvre un chemin de compréhension sur le réel.

Exemples d’évaluation d’une question

Prenons deux formulations possibles à partir d’un même sujet (les reconversions professionnelles) :

  • Est-ce que les reconversions professionnelles sont efficaces ?
    → Formulation fermée, binaire, plus adaptée à une enquête quantitative.
  • Comment les travailleurs expérimentés en reconversion redéfinissent-ils leur rapport au travail et au temps ?
    → Formulation ouverte, contextualisée, orientée vers l’expérience vécue.

Lorsque la question principale est bien définie, il est pertinent de la diviser en sous-questions spécifiques afin de mieux orienter l’analyse et de structurer le déroulement de la recherche.

Décliner la question centrale en sous-questions de recherche

Une question de recherche bien formulée peut avantageusement être complétée par des sous-questions. Celles-ci permettent de structurer l’enquête, d’en préciser les angles d’analyse, et d’éviter une exploration trop vague ou trop éclatée.

Les sous-questions ont plusieurs fonctions :

  • Découper la question centrale en dimensions investigables ;
  • Anticiper les axes de collecte ou d’analyse (par exemple, temporalité, acteurs, effets perçus…) ;
  • Favoriser la clarté de l’objectif pour l’encadrant ou le lecteur.

Par exemple, à partir de la question centrale : Comment les adolescents perçoivent-ils l’influence des réseaux sociaux sur leur bien-être émotionnel ?

On peut décliner :

  • Quels types de contenus les adolescents identifient-ils comme influents émotionnellement ?
  • Quelles émotions rapportent-ils le plus fréquemment en lien avec les réseaux sociaux ?
  • Dans quels contextes déclarent-ils un effet positif ou négatif ?

Ces sous-questions ne sont pas traitées comme des chapitres séparés mais comme des repères pour l’analyse. Elles facilitent aussi la construction du guide d’entretien ou de la grille d’observation.

Enfin, elles sont utiles pour organiser les résultats ou rédiger un plan structuré dans un mémoire qualitatif.

Démarches concrètes pour faire émerger une question de recherche

Définir une question de recherche ne consiste pas à l’inventer de toutes pièces, mais à la faire émerger progressivement, à partir d’un terrain, d’un corpus de textes, ou d’un réseau d’idées. Cette étape suppose un va-et-vient constant entre exploration, réflexion et structuration. Elle repose sur des démarches inductives, souvent ancrées dans une pratique réflexive.

Approche inductive et progressive

En recherche qualitative, la question de départ n’est pas figée : elle peut évoluer à mesure que le chercheur s’immerge dans son terrain ou son corpus. Ce mouvement est typique d’une approche inductive, dans laquelle :

  • Des observations initiales (témoignages, lectures, entretiens informels) éveillent des zones d’intérêt ;
  • Des notions clés émergent spontanément dans les discours ou les textes ;
  • Des mémos de recherche permettent de capter ces idées dès leur apparition.

Cette dynamique justifie que la formulation de la question n’arrive ni trop tôt, ni trop tard. Trop tôt, elle risquerait d’enfermer le raisonnement. Trop tard, elle pourrait manquer de fondement ou de lien avec la réalité observée.

Pratiques réflexives : journaux, cartes, échanges

Parmi les outils méthodologiques utiles pour accompagner cette maturation, on retrouve :

  • Les discussions avec les encadrants ou les pairs : elles offrent un regard critique, aident à clarifier l’intention ou à recentrer l’objectif.
  • Le journal de recherche : un espace personnel de réflexion, pour noter ses intuitions, ses lectures marquantes, ses doutes ;
  • Les cartes heuristiques (mind maps) : elles permettent de structurer visuellement les thématiques et de générer des pistes de questionnement ;
Question de recherche : pratiques réflexives

Formuler une question de recherche, c’est déjà commencer à penser méthodologiquement.

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Conclusion : penser la question de recherche comme un processus

Poser une question de recherche demande un travail méthodique. Elle se construit progressivement, dans une dynamique d’ajustements successifs entre lectures, observations, hypothèses émergentes, et confrontation au terrain. Bien formulée, elle oriente le projet de recherche de manière cohérente et féconde ; mal posée, elle peut entraîner des impasses méthodologiques ou une analyse superficielle.

Plutôt qu’un exercice de style, la formulation d’une bonne question qualitative est un acte intellectuel structurant. Elle mobilise la capacité à explorer, synthétiser, douter, affiner. C’est aussi une étape réflexive : elle oblige le chercheur à expliciter ce qu’il cherche à comprendre, pourquoi cela compte, et comment il va s’y prendre.

Des méthodes, des supports méthodologiques et des solutions logicielles peuvent accompagner cette maturation, en aidant à organiser les idées, à structurer les thématiques et à conserver les réflexions clés. Ils ne remplacent pas la réflexion du chercheur, mais soutiennent sa démarche.

À ce titre, c’est dans la formulation de sa question que s’initie la démarche de recherche.

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